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Mes ricochets, ricocher, ricochez... de mots en mots
30 avril 2010

Mélodie bohémienne

Mélodie bohémienne

Les clefs se tournent avec patience à la recherche de la note, les doigts carressent le bois vernis de la table d'harmonie, pincent les cordes avec une certaine brutalité mêlée de douceur, enserrent délicatement le manche et s'allongent en barré. Les oreilles s'imprègnent des vibrations du corps, fondatrices de la musique

De sa démarche souple, Juan affole sans s'en rendre compte. De ville en ville, il se promène, cherchant dans les yeux des passants une lueur différente, qui lui dirait qu'il a trouvé, enfin. Qu'il n'est plus besoin de partir encore. Un lieu où se reposer.

Au temps de nos ancêtres, on témoignait la joie par la dance et la musique. L'Andalousie est mon pays, je recrée sa poésie du fond de ma vieille caravane, au milieu de vos autoroutes. Les filles dansent autour du feu. Robe rouge ondoyante plus envoutante que les flammes elles-mêmes. Les doigts sur ma guitare, je guide leurs pas de danse en transe. La belle étoile est mon univers, la musique coule dans mes veines

Sa guitare sur le dos, au gré des envies et des lunes, il cherche sans trouver. Assis sur les marches du métro, les notes s'élèvent en une douce frénésie passionnée. C'est le diable qui le possède dans ses rythmiques presque divines. Quelques pièces dans un chapeau pour toute une nuée de sourires. Les injures, il ne les entend même plus, quand ses doigts désobéissent à la bienséance et inventent sans férir des envolées lyriques, des crashs rythmiques, des vagues passionnées de musique désordonnée. Demain, il faudra repartir et tout recommencer ailleurs. Leur présence est souvent malvenue.

Comme un artiste en enfer. Comme un enfant qui se perd. Dans les accords de sa guitare, il oublie tout les yeux fermés. Le ciel s'éclaire au fond du coeur, pour laisser la musique s'envoler. Par chacun des pores de sa peau. La tête qui tourne. Les notes qui frappent. Les étendues désertes sont des rêves qu'il peut atteindre. A coup de rythme qui prend vie. Le bonheur est dans la note. Les vibrations atteignent le coeur et disloquent le monde. Les couloirs du métro sont oasis, l'odeur de pisse ranse un doux parfum de fleurs des champs. Il en glisse une à sa chemise. Avant de réouvrir les yeux

Le soleil est couché depuis longtemps et il arpente les trottoirs en sens inverse sous les coups de klaxon. Au bord des autoroutes, pieds nus sous l'éclairage des phares des voitures. Sa guitare toujours sur le dos. Au loin, il entend la musique et ses quelques pièces tintent au fond de sa poche. Le campement sort de la nuit, il distingue presque les corps rassemblés autour du feu. Dans l'obscurité, ses yeux brillent d'un éclat de bonheur, et il se met à courir. Demain, il achètera de la viande pour toute sa famille, avec l'argent qu'il a réussi à rassembler, ils la feront griller, avant de repartir. S'installer ailleurs. Demain.

Mais cette nuit, cette nuit encore, il jouera pour les étoiles et les robes des bohémiennes, toupies géantes qui se déhanchent. Ce soir encore, il suivra les notes qui s'envolent haut, toujours plus haut. Bien plus haut que les murs des prisons qu'il a déjà connues, plus haut que la connerie humaine. Ce soir encore, il sourira et fermera les yeux et se laissera porter. Libre et heureux, au milieu de ses proches, autour du feu, la guitare à la main et la musique dans l'âme.

Les dernières notes planent dans le ciel. Le feu est à peine éteint et les étoiles brillent de mille feu. Le bonheur est une note de musique que l'on ne peut attraper au vol, une épopée, une vibration qui s'infiltre au creux du corps. Allongé sur le dos, les bras repliés derrière la nuque, les étoiles ne brillent que pour Juan, heureuses, elles-aussi, de pouvoir admirer de loin ce bohémien et sa guitare.

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